13/03/2008

Utopie urbaine

"Vous passez, nous on reste". Très étonnant. Stupéfiant même. Quand l'art investit la zup, le résultat n'est pas toujours celui qu'on croit. Elise Leclercq a réalisé un projet en partenariat avec les habitants de la Bourgogne. En immersion dans le quartier pendant deux mois, elle a discuté avec ses habitants pour connaître la représentation qu'ils se faisaient de leur lieu de vie. La galerie Chatiliez, sur la place de le Bourgogne, a abrité pendant un mois et demi sa production. Un regard sur le quartier, en photos, sons, et vidéos.

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"Elle a cherché à jouer d'utopies sur le quartier. Ce n'est pas idiot. Mais on ne peux pas réduire le quartier à ça", affirme un animateur.
Des témoignages d'habitants du quartier à écouter au casque, aux vidéos projetées en permanence, en passant par la vingtaine de photos exposées à l'étage, l'artiste donne à voir un visage de la zup, qui a le mérite de ne pas rentrer dans les clichés habituels.

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Pas de photos de tags, pas de jeunes, pétard au bec, pas de personnes agées éplorées et apeurées. "C'est un véritable moment d'évasion" assure Toufik, le gardien de la galerie. Les vidéos, surtout, sont réussies.
Cinq vidéos qui s'enchaînent, dévoilant les rêves de cinq habitants du quartier.

Dans la première, un homme d'une quarantaine d'années déambule entre les allées du salon d'honneur, à la mairie de Tourcoing. Il arbore fièrement une écharpe de maire. "Lui, c'est un habitant du quartier qui rêve de faire de la politique" explique Toufik.
Une seconde vidéo présente deux religieuses qui distribuent des papiers - d'identité. Derrière elles, un panneau: "Pour cause de régularisation des immigrés, ce lieu n'a plus raison d'exister". Ce lieu, c'est un local dans l'église, près de la station de métro la Bourgogne, où les soeurs aident les sans-papiers à faire leurs démarches administratives. "Cette vidéo correspond au rêve de beaucoup de gens ici: être régularisé".

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Une autre vidéo montre une femme sur le toit d'un des immeubles du quartier - on reconnaît les briques orange. "Tu vois ces rubans qui s'envolent? Ca symbolise son désir d'évasion". Un vrai guide, ce Toufik.

Une quatrième met en scène un homme, déguisé en "bourgeois d'avant", qui compte ses sous - "des pièces en chocolat" nous rassure Toufik. "Lui, je le connaît. C'est un type fauché, mais il aimerait beaucoup donner de l'argent aux pauvres. Cette vidéo, elle montre bien la réalité. Dans ce quartier, y a personne pour aider personne. Ton voisin, il ne peut pas t'aider: il a les mêmes problèmes que toi."

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Dans le dernière, la caméra s'est introduite dans un lieu exclusivement masculin: les cafés de la Bourgogne. Les femmes contournent ou évitent ces cafés, occupés par des musulmans, anciens combattants algériens pour la plupart. Elise Leclerq a installé un portait de femme sur une table d'un de ces cafés. Par cet intermédiaire, la femme pénètre enfin dans cet antre masculin. "Les femmes font des détours parfois pour éviter de passer devant les vitrines des cafés. Elles ont toujours vécu ça. Au pays, quand je retourne en Algérie, la question ne se pose pas. Il n'y a pas d'interdiction à proprement parler. C'est comme ça." Rêve de femmes, que de s'introduire dans un café d'hommes? Rêve de femmes, surtout, d'avoir un endroit à elles?

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Après un mois et demi, bilan de l'exposition: "Il n'y a pas eu beaucoup de monde. C'est un peu dommage, c'est plutôt intéressant. Mais ce n'est pas très vendeur." Toufik ajoute, en souriant: "Par contre, l'exposition d'avant a eu du succès. C'était Léo Coopers qui avait fait des installations. Le succès vient surtout de l'une d'entre elle: une mitrailleuse posée sur un coussin en velours. Ca, ça a beaucoup plu."