31/03/2008

Déménagement

Ce blog a déménagé!

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2 mois à La Bourgogne

Les visages de la zup en diaporama. Dans le désordre et sans légendes. Tout comme j'aime.






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13/03/2008

Utopie urbaine

"Vous passez, nous on reste". Très étonnant. Stupéfiant même. Quand l'art investit la zup, le résultat n'est pas toujours celui qu'on croit. Elise Leclercq a réalisé un projet en partenariat avec les habitants de la Bourgogne. En immersion dans le quartier pendant deux mois, elle a discuté avec ses habitants pour connaître la représentation qu'ils se faisaient de leur lieu de vie. La galerie Chatiliez, sur la place de le Bourgogne, a abrité pendant un mois et demi sa production. Un regard sur le quartier, en photos, sons, et vidéos.

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"Elle a cherché à jouer d'utopies sur le quartier. Ce n'est pas idiot. Mais on ne peux pas réduire le quartier à ça", affirme un animateur.
Des témoignages d'habitants du quartier à écouter au casque, aux vidéos projetées en permanence, en passant par la vingtaine de photos exposées à l'étage, l'artiste donne à voir un visage de la zup, qui a le mérite de ne pas rentrer dans les clichés habituels.

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Pas de photos de tags, pas de jeunes, pétard au bec, pas de personnes agées éplorées et apeurées. "C'est un véritable moment d'évasion" assure Toufik, le gardien de la galerie. Les vidéos, surtout, sont réussies.
Cinq vidéos qui s'enchaînent, dévoilant les rêves de cinq habitants du quartier.

Dans la première, un homme d'une quarantaine d'années déambule entre les allées du salon d'honneur, à la mairie de Tourcoing. Il arbore fièrement une écharpe de maire. "Lui, c'est un habitant du quartier qui rêve de faire de la politique" explique Toufik.
Une seconde vidéo présente deux religieuses qui distribuent des papiers - d'identité. Derrière elles, un panneau: "Pour cause de régularisation des immigrés, ce lieu n'a plus raison d'exister". Ce lieu, c'est un local dans l'église, près de la station de métro la Bourgogne, où les soeurs aident les sans-papiers à faire leurs démarches administratives. "Cette vidéo correspond au rêve de beaucoup de gens ici: être régularisé".

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Une autre vidéo montre une femme sur le toit d'un des immeubles du quartier - on reconnaît les briques orange. "Tu vois ces rubans qui s'envolent? Ca symbolise son désir d'évasion". Un vrai guide, ce Toufik.

Une quatrième met en scène un homme, déguisé en "bourgeois d'avant", qui compte ses sous - "des pièces en chocolat" nous rassure Toufik. "Lui, je le connaît. C'est un type fauché, mais il aimerait beaucoup donner de l'argent aux pauvres. Cette vidéo, elle montre bien la réalité. Dans ce quartier, y a personne pour aider personne. Ton voisin, il ne peut pas t'aider: il a les mêmes problèmes que toi."

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Dans le dernière, la caméra s'est introduite dans un lieu exclusivement masculin: les cafés de la Bourgogne. Les femmes contournent ou évitent ces cafés, occupés par des musulmans, anciens combattants algériens pour la plupart. Elise Leclerq a installé un portait de femme sur une table d'un de ces cafés. Par cet intermédiaire, la femme pénètre enfin dans cet antre masculin. "Les femmes font des détours parfois pour éviter de passer devant les vitrines des cafés. Elles ont toujours vécu ça. Au pays, quand je retourne en Algérie, la question ne se pose pas. Il n'y a pas d'interdiction à proprement parler. C'est comme ça." Rêve de femmes, que de s'introduire dans un café d'hommes? Rêve de femmes, surtout, d'avoir un endroit à elles?

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Après un mois et demi, bilan de l'exposition: "Il n'y a pas eu beaucoup de monde. C'est un peu dommage, c'est plutôt intéressant. Mais ce n'est pas très vendeur." Toufik ajoute, en souriant: "Par contre, l'exposition d'avant a eu du succès. C'était Léo Coopers qui avait fait des installations. Le succès vient surtout de l'une d'entre elle: une mitrailleuse posée sur un coussin en velours. Ca, ça a beaucoup plu."

Foutu porteur de pancarte

Jean-Marie, retraité, des sillons autour des yeux. Sous ses grosse lunettes. Ancien ouvrier du textile, militant au parti communiste depuis toujours et cégétiste à toute épreuve. Délégué syndical toute sa carrière, il s'active aujourd'hui pour le syndicat de retraités. Ses amis disent de lui qu'il est un "foutu porteur de pancarte".

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Jean-Marie vit à la Bourgogne depuis la naissance du quartier, au milieu des années soixante. Il a connu le quotidien difficile des années 80, avec l'arrivée de la drogue dans le quartier, avec la violence et les cambriolages à répétition.
Il reconnaît l'importance du travail accompli par l'ancien maire PS, Jean-Pierre Balduyck. "En 19 ans, il a vraiment réussi à sortir le quartier du ghetto. Par exemple, grâce à l'arrivée de la médiathèque, du métro et de l'office HLM. Et le métro a permis de faciliter la communication avec le centre de Tourcoing"

Il me parle du quartier d'avant. Celui qui n'avait aucun espace vert. Pas un arbre, pas un bout de pelouse. La place de la Bourgogne était encore totalement piétonne, enclavée, à l'ombre, autorisant tous les trafics. "C'est vrai que le quartier s'est amélioré." Changements d'importance: la coupure de la place de la Bourgogne, traversée dorénavant de part en part par la rue Roger Salengro. L'installation de la Poste, de la mission locale, d'un supermarché. "D'un coup, on a eu l'impression d'exister".

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Pour Jean-Marie, ce qui sauve le quartier, c'est son tissu associatif: "Depuis 20 ans, les centres sociaux et les assos ont donné aux gens la possibilité de s'exprimer, et d'exister. Ils parlaient enfin, et les gens reconnaissaient pour la première fois qu'il y avait un malaise." Jean-Marie est membre de plusieurs associations. Il connaît les jeunes du coin. "Je les rencontre facilement sur le quartier. Ils savent que je fais partie d'associations. Certains de ces jeunes, que j'ai connus adolescents, sont parents maintenant. On arrive bien à dialoguer".

Il reconnaît que le quartier n'a pas toujours été aussi serein. "Il y a eu des moments durs. Un climat de tension et des violences permanentes. Surtout en 1989, il y a eu des émeutes terribles, pour le premier mandat de Balduyck."

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Même si le PS est arrivé bien en tête dimanche dernier (Michel-François Delannoy a remporté 53% des suffrages), le Front National a une emprise importante sur le quartier. "Cela fait des années que je fais les dépouillements sur le quartier. Le FN n'est jamais mal placé, autour de 15% des voix. A cause du climat, les gens ont peur, peur de se faire agresser."

03/03/2008

Quand Anne m'accompagne à la zup...

Jeudi dernier, Anne Dory, camarade esjienne, m'a emboîté le pas jusqu'à la Bourgogne. Le marantz en bandoulière, elle a patiemment récolté le témoignage de Malik (vous savez, Malik, c'est celui avec le chien, Boulette; j'en parle justement dans le post précédent). Le résultat de cette visite, "Un après-midi à Réagir", est audible ici. Audible, puisque le récent blog de mademoiselle, Des oreilles pour voir, est un florilège de portraits sonores.

Zup(ermamies)

Chantal et Christiane ne sont pas du quartier de la Bourgogne. Elles sont tout de même Tourquennoises, et catholiques convaincues. Deux petites mamies très propres sur elles, au visage rond et sympathique. Des mamies qui sentent bon la violette et qu'on imagine boire un thé au citron dans un beau service en porcelaine. Mais Chantal et Christiane, pour des mamies, ont de curieuses fréquentations. Cet après-midi, elles digèrent leur repas en compagnie de toxicomanes, chômeurs ou ex-taulards - voire les trois en un seul homme.

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Depuis presque 20 ans, enthousiasmées par le charisme de Michel Delberghe, elles sont bénévoles à l'association Réagir, qui propose un suivi médical et psychologique aux toxicomanes, et plus généralement, à tous les "désintégrés" du système, en mal de travail, de reconnaissance et de lien social.
"Je ne sais pas pourquoi on est venues au début. Je crois que c'était surtout par amitié pour Michel. Mais le problème nous touchait de près". Chantal, maintenant retraitée, était infirmière au CHR Dron, l'hôpital qui jouxte la ZUP. "On a fait le lien pendant des années entre les toxicomanes qui venaient à Réagir pour y trouver de l'aide et les cures de sevrage qu'on faisait à l'hôpital".

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Tous les jeudis, elles préparent le déjeuner communautaire, qui réunit toxicomanes, éducateurs, assistants sociaux et bénévoles dans les cuisines du local de Réagir, à la Bourgogne. Ce midi, elles avaient préparé "du riz à la tomate avec une merveilleuse sauce de Chantal, et juste des yaourts en dessert."

Chantal et Christiane n'ont de grand-mères que leur talent de cuisinières. Elles ne reprennent pas les fautes de français, ni les familiarités, ni les vulgarités des invités du jeudi midi. Elles ne semblent même pas s'en offusquer. C'est que leur travail est tout autre.

Les deux femmes conseillent, aident, et soutiennent ceux qui en font la demande. Surtout, elles dialoguent et respectent les "patients" de l'association. Chantal demande des nouvelles de "Boulette", le chien de Malik, un trentenaire qui a des problèmes avec la drogue, et, en sus, quelques démêlés avec la justice. "Tu sais quoi? Il aime bien regarder la télé mon chien". Christiane, elle, a apporté de la documentation sur la Légion Etrangère pour André, qui "n'en peut plus de l'intérim à la con" et "rêve de s'engager".

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Quand on lui demande d'expliquer son engagement dans l'association, Chantal a un petit sourire, comme si la question était, en somme, un peu stupide. "C'est sympa, on rencontre des gens très attachants." se contente-t-elle de répondre.